Ou comment les analyses coûts – bénéfices permettent de choisir sa prévention
Les analyses coûts bénéfices sont des approches développées dans de nombreux contextes d’investissements.
C’est aussi le cas des analyses d’impacts des événements climatiques sur des zones à risque pour lesquelles des investissements préventifs sont envisagés[1].
Ces analyses permettent donc après avoir répertoriés les enjeux, les dispositifs en place, le contexte topographique, hydrographique et climatique, et bien sûr l’historique des événements ayant frappé la zone, d’évaluer les bénéfices de la prévention. Elles s’appuient alors sur des fonctions dites de dommages, qui permettent d’étalonner les valeurs perdues potentielles suivant la sévérité de l’événement envisagé.
Elles s’établissent sur plusieurs scénarii, par exemple d’un événement moyen, important, voire extrême de sorte d’envisager les dommages à chaque niveau de sévérité.
Enfin, elles comportent aussi une évaluation non financière des « enjeux victimes » de l’événement, notamment humains ou lorsque les dégâts évalués sont des biens communs, des services communs ou des dégâts à l’environnement.
On peut retenir 3 jalons pour utiliser ces démarches : 👇
1️⃣ Inventaire de la situation existante : répertorier les enjeux, l’historique des événements, les dispositifs de maitrise des vulnérabilités en place - que ce soit matériel (ouvrages, protections) ou immatériels (procédures, montée en compétences des personnes concernées, systèmes d’alerte). C’est un travail capital qui nécessite de collecter les données utiles pour bien définir le risque et sa maitrise actuelle. Le processus de la gestion des risques se doit d’être permanent. Ce travail est donc un investissement initial s’il n’a jamais été fait, mais entretenu régulièrement – lors des évolutions mises en œuvre (édification de protections) - ou simulées (utilisation de nouveaux scénarii climatiques) – ce sera un investissement fort « rentable » ;
2️⃣ Identification des mesures correctives souhaitables : il s’agit en fonction de l’inventaire précédent et du dialogue avec les parties prenantes et des experts, d’identifier les actions correctives pour améliorer la résilience de l’organisation et/ou de la zone qu’on souhaite protéger. Il est évidemment utile de mettre des priorités a priori, en fonction de cette phase de dialogue et des capacités de l’organisation (Opex, Capex). Cela permet de chiffrer les coûts associés à chaque mesure, les bénéfices attendus de chacune et le niveau de complexité estimé de leur mise en œuvre (ingénierie, horizon de temps, conséquences non souhaitées…).
3️⃣ La simulation coûts – bénéfices au travers des fonctions de dommages : la troisième étape va donc être de simuler ces mesures en fonction des résultats attendus et donc d’avoir pour chaque scénario (moyen, important, extrême) le risque net simulé ou risque résiduel et les Dommages Evités Moyens (DEM) et compte tenu des coûts des investissements envisagés, un Retour sur Investissement (ROI).
Forte de ces éléments, l’organisation ou la collectivité va pouvoir se positionner et décider ce qu’elle estime être le mieux, soit✔️ un arbitrage coûts – bénéfices. Evidemment, les investissements envisagés doivent être évalués compte tenu d’un horizon d’usage attendu.
Au-delà de l’analyse, il conviendra de mettre en œuvre les investissements retenus – ce qui évidemment suggère de ne pas manquer de considérer également les coûts de gestion de projet dans l’analyse - et de suivre dans le temps le bénéfice et l’entretien des investissements - on estime que sur des ouvrages en dur - protection de bâtiments par ex, il faudra envisager 3 à 5% de l’investissement, en coût annuel d’entretien.
Il faudra également informer les parties prenantes de l’avancée du projet et plus globalement acculturer les acteurs à la réalité des risques auxquels est confrontée l’organisation. Cela fait logiquement parti des coûts du projet. Des bureaux d’études spécialisés sont à même d’établir ce type de chiffrage et l’Etat met à disposition certaines fonctions dommages pour les utilisateurs, ce qui permet une certaine autonomie même s’il est conseillé d’en passer par des experts.
Retenons que ce type de démarche n’est in fine rien d’autre que de considérer que l’investissement dans la maitrise des risques physiques - les dommages aux biens, direct ou indirect - est à appréhender comme toute démarche d’investissements, à ceci près qu’il en va souvent de la survie de l’organisation elle-même si elle est mal préparée. ✔️ Toutes les organisations se doivent d’y réfléchir dans le contexte du dérèglement climatique
Il y a à considérer les dommages directs, les dégâts subis par l’organisation du fait d’un événement climatique sur ces infrastructures, bâtiments, véhicules, mais il y a aussi les dommages indirects qui lui interdisent de fonctionner partiellement ou totalement alors qu’elle-même n’a rien subi. Ce peut-être des dommages sur la voirie utilisée pour accéder à l’organisation, aux transports publics utiles pour son fonctionnement, aux réseaux d’énergie ou de traitements de déchets, ou encore le fait que des personnes qui œuvrent dans l’organisation ont été touchées dans leur contexte personnel et qu’elles sont indisponibles pendant plusieurs jours ou semaines. Ce peut être aussi des tiers, des fournisseurs ou des clients qui sont mis « hors services » par une violente intempérie. On en reparlera dans un prochain papier qui traitera de ✔️ la Perte d’activité (ou exploitation) sans dommages, la PESD pour les intimes.
Damien Bourgeois
[1] Se référer au site du CEPRI pour les plans d’actions de prévention inondations qui utilisent de tels outils