Le HCC, rapport 2024 : plus vite, plus fort, plus loin l’#atténuation et l’#adaptation au changement climatique
Le rapport 2024 du Haut Conseil pour le Climat est prolixe sur l'adaptation. Regardons ce qu'il nous dit.

Damien Bourgeois

juin 27, 2024


(image kipargeter sur freepik)

Pour partager les points essentiels du volet #adaptation du rapport 2024 du Haut Conseil pour le Climat (HCC), j’ai copié ici les passages (en italique) - et quelques graphiques - qui sont de mon point de vue les plus importants pour comprendre les messages d’ensemble et je me suis permis d’y ajouter mon modeste commentaire (suivez la 👉).

Bien sûr, je vous invite à lire le rapport dans son intégralité, quand vous aurez le temps, un document qui est en tous points indispensable car à la fois didactique, dense et d’une remarquable précision.

Impacts du changement climatique et besoins d’adaptation (pages 27 à 52 du rapport)

(…) Les besoins d’adaptation s’accroissent avec les niveaux de réchauffement et seront d’autant plus importants et coûteux qu’ils seront traités tardivement. Les options d’adaptation disponibles se réduisent à mesure que le climat se réchauffe et présentent un ensemble de limites. (…)

👉Toute la littérature académique et des organisations qui analysent, pour des raisons variées, les événements climatiques le dit : il y a un rapport de 1 à 3 (voire 5 ou 10, suivant les phénomènes, les lieux et les mesures), entre 1€ ($ ou £) investi dans la prévention de ces phénomènes et les 3 (5 ou 10€/$/£) épargnés sur les dégâts évités.

(…) Les récents événements extrêmes à forts impacts ont mis en évidence des vulnérabilités importantes pour l’approvisionnement en eau, la production agricole, la santé (surmortalité, propagation de maladies à vecteur pour les humains et les animaux), l'habitabilité de certains territoires et les forêts, avec des contraintes croissantes à mesure de la hausse du réchauffement planétaire. (…)

👉 Une étude que j’ai déjà mentionnée, et qui fait à mon sens référence désormais pour la modélisation économique des conséquences du réchauffement climatique – celle du Postdam Institute – le montre également : les conséquences de l’élévation des températures entrainent les principaux dégâts tant par la sécheresse que par les canicules. L’état de santé des personnes et des animaux se détériorent et le manque d’eau, au-delà des besoins en eau pour la consommation des personnes et des animaux, induit des baisses de rendement agricole et des restrictions qui conduisent certaines activités productives à s’interrompre. On le vit déjà en France. Pour ce qui concerne la forêt, il y a un triple challenge : revoir la gestion des essences en fonction de l'évolution du climat, revoir la gestion des parcelles de petites tailles (petits propriétaires privés) qui souffrent sans vraie assistance, et réfléchir à des modes de co-financement et d'assurance qui favorisent la résilience et la replantation en cas de dégâts ou dépérissement.

(…) Certains territoires français, notamment ceux qui ont été fréquemment inondés, ont déjà atteint des limites souples d’adaptation au changement climatique du fait de la combinaison de l’accroissement de la sinistralité liée au changement climatique et du désengagement de certains assureurs. Sans adaptation du système assurantiel français, les pertes et les dommages non indemnisés risquent d’augmenter et de s’étendre à davantage de territoires. Plusieurs limites d’adaptation ont été atteintes en matière d’accès à la ressource en eau dans certains pays voisins de la France (Espagne, Italie, Maroc) et localement en France. (…)

👉La France a mis en place depuis 1982 un partenariat public-privé, avec notamment la Caisse Centrale de Réassurance, ce qui permet d’assurer le plus grand nombre, à moindre coût, des conséquences des catastrophes naturelles. Ce modèle est challengé avec l’accroissement de la sinistralité et déjà des catégories d’enjeux sont peu ou plus assurées. C’est le cas de nombreux biens dans les Drom-com, de plus en plus de communes en métropole ou encore des récoltes de nombre d’agriculteurs. Des entreprises ne trouvent pas toujours de solutions pour couvrir les carences de fournisseurs ou la perte d’exploitation des suites de dommages climatiques. Les sécheresses et les excès d'eau qui alternent, mettent à mal les bâtis avec le retrait gonflement argileux (52% du territoire est en aléa moyen ou fort); 1 dossier sur 4 de demandes d'indemnisation est finalement pris en charge. Les orages de grêles violents détruisent des pans entiers de culture et des biens. Ces phénomènes climatiques deviennent des aléas qui coûtent de plus en plus (ce furent avec la sécheresse les plus coûteux des aléas climatiques en 2022).

(…) Certains groupes sont particulièrement exposés aux risques climatiques, tels que les jeunes (nourrissons et enfants), les femmes, les femmes enceintes, les personnes âgées, les personnes isolées, les personnes en situation de handicap, les ménages pauvres ou à faibles revenus, les personnes souffrant de maladies chroniques, les personnes dont les réseaux sociaux sont limités, les personnes travaillant en extérieur, les personnes travaillant avec des machines générant de la chaleur, les immigrés, les minorités ethniques.(…)

👉Cela fait beaucoup de monde et ce sont aussi des situations d’activités (à l’extérieur, dans des situations de travail soumises à la chaleur (fours, machines, etc) ou travaillant avec des Equipements de Protection Individuelle augmentant la chaleur corporelle), qui sont peu prises en compte dans notre réglementation du travail. Ce sont des personnes ou activités susceptibles qui sont aussi souvent moins bien assurées.

(…) Pour évaluer l’ensemble des besoins d’adaptation et la prise en charge effective de ces besoins dans la durée, il est indispensable de combiner aux diagnostics existants des facteurs climatiques générateurs d’impacts (aléas) et des expositions, un diagnostic partagé des vulnérabilités à l’échelle de la France, qui n’existe pas aujourd’hui. (…)

👉Il est vrai que nous avons en place en France depuis plus de 20 ans des dispositifs qui mesurent les expositions d’enjeux (publics et privés, biens et personnes, emplois) face à des aléas dans le cadre des Plans de Prévention aux Risques Naturels (PPRN) et les Plans d’Actions de Prévention du risque Inondation (PAPI). Cependant, cela n’évalue pas la robustesse et donc la vulnérabilité des édifices aux aléas et donc aussi des personnes qui résident ou travaillent dans ces bâtiments. Les normes bâtimentaires ne couvrant pas tous les risques existants, on ne peut pas considérer que la construction, même récente, réduit la vulnérabilité et encore moins si on regarde sur le long terme (comme le mentionne le HCC plus loin dans son rapport). C’est tout aussi vrai, le plus souvent, lors de la prise d’une assurance ou d’un prêt consenti pour l’acquisition d’un bien. Seule la démarche de l'agent immobilier et du notaire vis à vis de l'acheteur d'un bien résidentiel, oblige à mentionner les aléas auquel est potentiellement soumis le bien compte tenu des cartes connues (site web géorisques, procédure ERRIAL) et le vendeur doit aussi mentionner les sinistres que le bien a enregistré au titre des Catastrophes Naturelles. Cela ne dit pas pour autant la vulnérabilité actuelle du bien et n'interdit pas la vente dans des zones à risques.

(…) Le décalage se creuse entre les mesures prises pour réduire l’exposition et les vulnérabilités et limiter les impacts du changement climatique et les besoins d’adaptation actuels et futurs car les impacts du changement climatique augmentent plus vite que les moyens mis en œuvre pour les limiter. (…)

👉D’où l’urgence de l’émission d’un Plan National d’Adaptation au Changement Climatique 3ème du nom (PNACC3), pour se préparer. Un plan qui se doit de détailler les financements disponibles pour accompagner les gestes publics, privés et ceux des territoires.

(…) Le cadre réglementaire, le modèle d’affaires et la gouvernance du financement de l’adaptation en France n’en sont qu’à un stade initial de développement qui ne permet pas d’accompagner les acteurs vers l’adaptation, ni de protéger les investissements des impacts du changement climatique, ni d’éviter les risques de maladaptation. (…)

👉La CSRD doit nous y aider, en tous cas pour les entreprises, même si c’est un « geste » difficile; c’est un « geste » indispensable pour se préparer c'est à dire définir sa trajectoire d'adaptation et le plan d'investissement qui va avec. Les collectivités ont bien sûr aussi à faire et pas seulement sur l’atténuation (cf PCAET, bilan carbone). La mission Langreney qui a rendu son rapport en Avril sur l’assurabilité des événements climatiques a recommandé d’augmenter les budgets dédiés à la prévention et notamment la prévention individuelle.

(…) L’anticipation de l’augmentation des coûts des impacts et de l’adaptation est nécessaire pour flécher les financements vers les investissements les plus soutenables, éviter de futurs actifs échoués et pour maintenir une capacité de financement soutenable pour les pouvoirs publics alors que les mesures réactives leurs coûtent aujourd’hui plusieurs milliards d’euros par an. Les besoins d’adaptation sont à intégrer dans la planification des projets et des investissements et incluent le financement de mesures d’adaptation d’ordre organisationnel. (…)

👉Les travaux de modélisation économique sont encore trop peu nombreux pour orienter les décisions et calibrer les bons niveaux d’investissement en matière d’adaptation. On peut se référer aux travaux académiques les plus récents, et également aux analyses-coûts bénéfices qui sont utilisées par ex pour les PAPI. On peut aussi citer le rapport rendu récemment par le laboratoire d’idées I4CE.

(…) Le suivi de l’extension des zones de propagation des maladies vectorielles induit de nouveaux besoins de surveillance épidémiologique animale et humaine et de renforcement de capacité de traitement. Seulement 7 maladies infectieuses parmi les 174 cartographiées et les 1 417 recensées bénéficient d'une cartographie générale suffisamment détaillée pour comprendre le rôle des différents facteurs (dont la biogéographie, l'écologie et le climat) qui influent sur leur établissement et leur répartition. Cette compréhension très parcellaire laisse penser que de nombreux risques de maladies infectieuses liés au climat ne sont pas connus et sont donc difficiles à anticiper. Dans ce contexte les systèmes de détection et de surveillance constituent une priorité essentielle pour une gestion précoce des épidémies dès leur émergence (ex. surveillance des arbovirus) dont la France s’est dotée). (…)

(…) L’aménagement des villes n’évolue pas suffisamment vite ni de manière suffisamment transformationnelle pour être à l’échelle du besoin de rafraîchissement des habitants des zones urbaines denses. La plupart des stratégies d’adaptation au changement climatique des villes ne sont pas à l’échelle puisqu'elles elles sont basées sur des diagnostics de vulnérabilités incomplets, eux-mêmes basés sur des études sectorielles anciennes et des données scientifiques insuffisantes et que les mesures d’adaptation prises sont juxtaposées sans vision stratégique de leur mise en œuvre dans le temps. Les solutions de rafraîchissement fondées sur le verdissement des villes présentent des limites (espace disponible, besoins en eau, pollens) et ne seront pas suffisantes à elles seules au-delà d’un certain niveau de réchauffement. Depuis la mise en place d’un Plan canicule en 2004, les vagues de chaleur continuent de provoquer une surmortalité dans l’ensemble de la population, avec une surreprésentation des personnes les plus vulnérables. (…)

(…) La priorité de la rénovation du parc bâti en France a été donnée à la rénovation énergétique qui ne cible pas spécifiquement l’adaptation au changement climatique. Pourtant des aménagements simples (ex. volets, stores, ombrages), des techniques de conception et de construction bioclimatiques des bâtiments (ex. orientation, ventilation traversante, coursive), des solutions fondées sur la nature (ex. désimperméabilisation et végétalisation pour transformer des cours d’établissements scolaires en îlot de fraîcheur) sont connus et peuvent déjà être actionnés pour répondre à une partie des besoins de rafraîchissement. (…)

👉La dernière norme en vigueur pour la construction de bâtiment neuf, la RE2020, considère le confort d'été pour les habitants. C'est une bonne chose, mais on pourrait aussi se préoccuper des problèmes que posent la sécheresse, les pluies violentes, ou les orages de grêles ou des vents destructeurs. On devrait à cet effet, pour la construction de maison individuelle être beaucoup plus sérieux, tant dans les études de sols préalables à la construction quand un risque de retrait gonflement des argiles (RGA) existe, et avoir un suivi plus serré de la construction du gros œuvre notamment. La sinistralité du RGA en France est catastrophique, alors que nos voisins espagnols par exemple, qui ont le même type de sols, y sont moins confrontés. Soyons plus regardants dans la méthode, les normes et la formation des personnes impliquées dans ces chantiers. Par ailleurs, il est indispensable d'agir de concert sur le stock de bâtiments existants pour réduire les sinistres et les désillusions des propriétaires immobiliers. C'est aussi un impératif pour "sauver" le régime des Catastrophes Naturelles puisque ce sont près de 11 millions de maisons individuelles qui sont concernées par le RGA en France soit des dizaines de milliards d'euros de sinistres potentiels.

(…) Certaines règles d’urbanisme, de protection du patrimoine et de copropriété, ou encore sanitaires, freinent voire empêchent la mise en place d’options techniques simples et efficaces pour l’adaptation des bâtiments aux vagues de chaleur. (…)

(…) Les conditions de vie des enfants et des jeunes dépendent en grande partie de politiques climatiques décidées aujourd’hui et auxquelles ils ne sont peu ou pas associés. Prendre en compte la parole des enfants et des jeunes dans les décisions qui les concernent est une question de responsabilité inter-générationnelle et de cohérence et de pertinence de l’action publique. Malgré les dispositifs existants de participation directe des enfants et des jeunes, et alors que les enfants et les jeunes sont plus exposés que la population active d’aujourd’hui à la fois dans leur jeune âge et lorsqu’ils seront eux-mêmes des personnes âgées, ceux-ci n'ont jusqu'à présent pas été associés aux processus de décision orientant les politiques climatiques nationales d'atténuation comme d'adaptation. (…)

(…) Les personnes les plus pauvres sont à la fois plus exposées que le reste de la population aux impacts du changement climatiques en habitant dans des territoires à risques et ont de plus faibles capacités à s’adapter comme à se rétablir suite à ces impacts en raison d'obstacles financiers et institutionnels. (…)

(…) La formation sur le changement climatique à tous les niveaux d’enseignement et dans tous les secteurs constitue une clef du développement de la littératie climatique. (…)

(…) Un cadre réglementaire, un modèle d’affaires et une gouvernance du financement de l’adaptation au changement climatique paraissent d’autant plus nécessaires que les entreprises françaises ne semblent pas encore s’être approprié les enjeux de l’adaptation et que l’orientation des capitaux vers le financement de l’adaptation nécessite de modifier les conditions économiques et de financements des entreprises pour déplacer les curseurs de la rentabilité. (…)

(…) Les institutions financières et bancaires publiques et privées ont un rôle à jouer dans le financement des besoins d’adaptation au changement climatique à la fois en s’assurant que les investissements soient eux-mêmes adaptés aux impacts du changement climatique et en réorientant une partie des flux financiers vers des investissements répondant aux besoins d’adaptation. (…)

👉Les discussions ouvertes par l'EIOPA depuis plusieurs années, pour l'évolution de la norme prudentielle qui encadre les activités d'assurance en Europe, Solvency II, se doivent d'aboutir en ce sens et de s'aligner pour favoriser la durabilité des actifs des assureurs et aussi la durabilité de la gestion de leur passif (souscription des risques, gestion des sinistres). Le comité de Bâle qui encadre par la régulation, le secteur bancaire, a entrepris des mouvements dans cette direction. Le secteur des assurances doit également agir pour augmenter sa résilience et celle de tout le système socio-économique qu'il protège.

(…) Malgré un système d’assurance et de réassurance public qui prend en charge des pertes et dommages liés aux catastrophes naturelles, une grande partie des pertes et des dommages liés aux impacts du changement climatique subsistent. La modulation des cotisations d’assurance en fonction de la mise en œuvre d’action préventive pourrait consolider le système d’assurance en même temps que favoriser l’adaptation anticipatrice. (…)

(…) Si financer des mesures d'adaptation peut impliquer des surcoûts à court terme par rapport à des investissements où le changement climatique n’est pas pris en compte, à long terme ces mesures permettent de réduire les coûts totaux pour les finances publiques. (…)

Prévenir c’est guérir !
Découvrez comment les analyses coûts bénéfices peuvent aider les organisations à se préparer aux événements climatiques dans cet article captivant de Damien Bourgeois, fondateur de Fair&Co.
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Ou comment les analyses coûts – bénéfices permettent de choisir sa prévention Les analyses coûts bénéfices sont des approches développées dans de nombreux contextes d’investissements. C’est aussi le cas des analyses d’impacts des événements climatiques sur des zones à risque pour lesquelles des investissements préventifs sont envisagés[1]. Ces analyses permettent donc après avoir répertoriés les […]